Sur la liste de 1861 se trouvent 60 hameaux et quartiers, c’est le double de l’année 1856. Cela signifie qu’on a de nouveau partagé les hameaux et quartiers d’une autre façon.
Dans un article précédent, nous avons déjà dit que nous ne pouvions pas trouver de système dans la façon de diviser Vesc. Nous nous cantonnerons dans cet article aux dénombrements pour en examiner les dénominations, nous ne tiendrons donc pas compte de ceux que l’on trouve habituellement dans l’Etat Civil.
De premier abord nous constatons qu’au 19e siècle la façon d’écrire ces noms n’est toujours pas tout à fait fixée, contrairement à ce que certains pensent.
Ci-dessous une vue d’ensemble restreinte vous est proposée. Nous n’avons mis dans cette liste que les lieux cités dans 3 des 4 dénombrements qui montrent des divergences. Nous n’avons pas pris en considération les changements dans le nom de hameau en quartier ou de quartier en hameau.
Dans les recensements de 1836 et 1841, il ne se trouve pas de listes utilisant les noms de hameaux et quartiers.
Comme nous l’avons déjà constaté au début de cet article, le dénombrement de 1861 compte 60 hameaux et quartiers, en 1856 il y en avait 29, en 1851, 13 hameaux et quartiers et en 1859 16 noms désignaient les divers lieux à Vesc. On voit une grande fluctuation dans ces nombres. Une dizaine de noms de ces lieux sont constants et se retrouvent dans chaque liste.
Variantes
En 1861 En 1856 En 1851 En 1846
Paulier Pauliet Pauliet Paulliet
La Penne La Peine La Peine La Peine
La Combe de Garreau Combe de Garaux Cmbe de Gareaux Combe de Gareaux
La Combe de Maret Combe de Marais Combe de Marais Combe de Marais
Les Audrans Audrans Audrans et Luc Audran
Les Arphons Arphon Arphon
Coutelier Coutelier Couteiller
Lunière Lunières (les) Lunières
La plupart des divergences dans la façon d’écrire les noms est basée sur l’homophonie. L’orthographe de Paulier, Pauliet et Paulliet, peut être différente, mais la prononciation ne l’est pas ou guère. Le même raisonnement est valable pour la prononciation et orthographe des noms comme Garreau, Maret, La Penne et leurs variantes.
A cause de ce phénomène les enquêteurs de ces dénombrements ont changé l’orthographe selon ce qu’ils croyaient entendre. En soi ce n’est pas étonnant mais il est pourtant un peu étrange que dans ces documents officiels, ils ne considéraient pas l’orthographe que leurs collègues avaient utilisée dans les dénombrements précédents. Mais il ne faut pas avoir l’illusion que l’on ne rencontre ce phénomène que dans ces dénombrements. Dans l’Etat Civil aussi, il arrive que deux frères aient un patronyme « différent » par exemple : Liotard et Liautard
Une autre divergence que nous voyons ici est que parfois on utilise soit le pluriel soit le singulier. Voyez l’exemple de « Les Audrans » (1861) et « Audran » (1846) de même Lunière (1856), Lunières (les) et Lunières.
Dans le Dictionnaire Topographique du Département de la Drôme de J. Brun-Durand (1891) se trouvent des remarques à propos de ces noms.
Quand on consulte les cartes de Cassini, Audrans s’appelait Laudra et l’ancien nom d’Arphons était Arfont. En 1418 Combe de Garreau portait le nom de Comba de Garent. Sur ces cartes de Cassini le nom hameau de Garreaux est Garaux.
Le Dictionnaire Topographique indique à propos de La Penne :
Pour de plus amples informations, veuillez consulter le Dictionnaire[1] susnommé, que l’on peut aussi consulter sur le Web.
Population
Entre les années 1856 et 1861 la population diminue de 992 en 1856 à 961 en 1861.
Comment vivaient les religions ensemble ?
Dans un article précédent, nous avons signalé que Vesc, pendant les années étudiées, était un village dont la population était pour la plupart catholique contrairement aux villages avoisinants.
Il est connu qu’avant la Révolution, il était difficile d’entrer au service d’un employeur catholique quand on était protestant ou d’employer un catholique quand on était calviniste. Il y avait donc une séparation stricte entre les gens des deux religions principales. Est-ce que cette ségrégation existe encore 70 ans après la Révolution?
Pour examiner cette question, nous devons considérer de plus près ces 50 domestiques et leurs 50 employeurs. Parmi les 50 domestiques, 15 travaillent chez un employeur qui a une autre religion qu’eux. On trouve, d’une part, 5 domestiques protestants au service d’un employeur catholique et, d’autre part, il y en a 10 catholiques au service d’un protestant.
24 des employeurs sont calvinistes et il y a 26 employeurs catholiques. Cela représente en pourcentage 48% et 52 %.
En 1861, Vesc a 961 habitants, 595 personnes sont catholiques, ce qui fait presque 62 % de la population.
Parmi les 26 employeurs de religion catholique, il y en a 5 qui ont un employé protestant (19%) et parmi les 24 employeurs protestants 10 ont un domestique ou berger catholique (près de 42 % !)
Quels sont les raisons de cette différence assez importante ? Quand nous avons réfléchi à ce propos cela nous a fait penser à un article que nous avons déjà publié dans un de nos livres (Crupies au 19e siècle).
« L’article qui suit concerne les biens de l’église de Vesc et nous ne résistons pas à vous en faire part.
Le prieur curé de ce village vers l’année 1790 se nommait d’Alayer de Costemore. Il avait été prié de dresser une liste de « ses » biens et de la clouer à la porte de l’église.
En 1906 encore « La Croix de la Drôme », un journal catholique très réactionnaire, utilisa cette liste dans un article pour plaider la cause du curé de Vesc en demandant la restitution de « ses » biens ou l’obtention d’un traitement. Le journaliste parlait évidemment d’un traitement sonnant et trébuchant provenant des caisses de l’État.
Le journal avait une bonne raison pour choisir ce moment-là pour placer cet article que voici :
La raison de cette publication résidait dans la promulgation de la loi de séparation des Églises et de l’État. L’Acte du 9 décembre 1905, dénonçait le Concordat de 1801 et instituait en France un régime dans lequel l’État, considérant la religion comme une manifestation individuelle, d’ordre strictement privé, laissait toute liberté aux personnes de la pratiquer, sous le droit commun.
Auparavant, l’enseignement avait été interdit aux congrégations (1901) et leurs biens avaient été saisis (1904). L’Acte assurait la liberté de conscience et la liberté de culte, mais rompait avec le Concordat de 1801 ; après quatre années durant lesquelles les ministres du culte devaient être indemnisés, toutes subventions leur furent retirées et les biens ecclésiastiques transférés à des associations culturelles. »
Il est peu probable que le journaliste de “La Croix” ait pensé un beau matin : « Allez, aujourd’hui je vais écrire un article à propos de ce Curé de Vesc ». Il a certainement reçu un message en provenance de ce village. Nous ne savons pas qui a écrit cette “intéressante communication” mais nous pensons que son auteur avait des intérêts dans l’affaire. En tout cas cela nous donne une indication du sentiment éprouvé par quelques-uns des habitants de Vesc. Nous ne croyons pas que, 40 ans avant cet article, la situation était différente ou meilleure. L’église catholique voulait retourner à la situation d’avant la Révolution ou en tout cas maintenir la situation crée par le Concordat de Napoléon.
Non l’intégration des deux religions n’était pas finie encore en 1861. Mais il y a aussi des choses positives à noter.
Au Serre de Pierre habitent Monnier avec sa famille et sa domestique.
Il est marié [3] avec Suzanne Athenon. Dans leur acte de mariage on lit d’ailleurs que son nom de jeune fille est Athenol. Elle est la veuve de Claude Camille Rodet[4]. Le chef du ménage est catholique mais son épouse, sa fille, son beau-fils sont calvinistes. Même leur domestique est une Calviniste.
C’est comme aujourd’hui : l’intégration passe souvent par les mariages.
En 1861, il y avait à Vesc 181 couples vivant ensemble. Un homme marié vivait seul, le garde champêtre, son épouse vivait ailleurs. Parmi ces couples, on trouve 16 couples de religions différentes (presque 9 % du total des couples). Dans 7 couples, le mari est catholique et dans 9 couples « le chef de ménage » est protestant.
La question était de savoir dans quelle religion leurs enfants devaient être élevés.
Des 9 couples ou le père est calviniste 5 ont des enfants à la maison. Dans 2 de ces familles les enfants reçoivent une éducation calviniste, et un couple a choisi une autre solution : François Borne qui est marié [5] avec Marie Virginie Tardieu a trouvé une solution inventive, il fait baptiser ses enfants tour à tour protestant et catholique.
Dans 3 de ces familles avec un père protestant les enfants reçoivent un baptême catholique.
Dans les 7 familles avec un chef de ménage catholique 6 ont des enfants à la maison. Dans 3 familles les enfants ont la même religion que leurs pères.
Dans certaines familles le choix de la religion de l’enfant à venir était déjà fixé avant le mariage des futurs parents.
L’influence du curé et /ou du pasteur doit également avoir joué un rôle. Il faut dire qu’en 1861 Vesc n’avait pas de pasteur mais avait un curé, Antoine Soulier.
En nourrice
En 1861, nous trouvons à Vesc 6 enfants en nourrice. On note aussi à côté de leurs noms quelle religion ils pratiquent. Trois d’entre ces bébés sont des Catholiques fervents tandis que deux parmi eux sont des Calvinistes. Nous ne connaissons pas la religion du dernier enfant. Un bébé calviniste a été placé dans un ménage catholique et l’enfant sans religion connue habite dans une famille où les parents nourriciers sont chacun d’une autre confession.
[1] http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k392934
[2] La Croix de la Drôme du 23-12-1906
[3] Etat Civil de Bézaudun (1842-1852) page 28
[4] Etat Civil de Bézaudun (1823-1842) page 45
[5] Etat Civil de Vesc Mariages (1847-1899) page 8